
Anecdote: de l’importance du contexte de la communication sur la réception du message.
Il s’agit d’une expérience réalisée le 12 janvier 2007 par le "Washington Post" dans le cadre d'une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d'action des gens.
Il a été demandé à Joshua Bell, actuellement un des meilleurs violonistes de la planète, de jouer, posté vers 8 heures du matin, dans les couloirs du métro dans l'entrée de la station "Enfant Plaza" du métro de Washington DC. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius valant 3,5 millions de dollars.
« il était 7:51 ce matin du vendredi 12 janvier, en pleine heure de pointe. Pendant 43 minutes, il a interprété 6 œuvres classiques. 1097 personnes sont passées devant lui.
7 personnes seulement se sont arrêtées, au moins pendant une minute. 27 personnes lui ont donné une obole et il a récolté au total 32 dollars.
Personne n’a prêté attention quand il a eu fini de jouer. Personne n'a applaudi.
Sur plus de mille passants, seule une personne l'a reconnu. »
Trois jours avant de jouer dans le métro, sa prestation future au théâtre de Boston était "sold out" avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.
Leonard Slatkin, directeur musical du National Symphony Orchestra, et qui avait été consulté avant l’expérience pour donner son avis, avait pronostiqué que le violoniste ne serait vraisemblablement pas reconnu et qu’il serait considéré comme un simple musicien des rues « A son avis, sur 1000 personnes, il pensait que 35 or 40 reconnaitrait la qualité du musicien, et que 75 à 100 personnes s’arrêteraient quelques instants pour écouter; Il prévoyait un petit attroupement et le recueil d’une obole de 150 dollars ».
A l’origine, l’objectif exprimé par le Washington Post était de tester si dans un contexte incongru, des gens ordinaires peuvent reconnaître un talent artistique.
Les journalistes ayant mené l’expérience, semblent découvrir que la compréhension d’un phénomène artistique n’est pas intrinsèque, et qu’elle est liée à l’état d’esprit du récepteur.
Il y a bien longtemps que l’on sait que la beauté (terme utilisé à de multiples reprises dans leur article) ne se décrète pas; qu’elle est le résultat d’une construction culturelle, et qu’elle est influencée par les conditions de la réception de la communication.
Ce n’est pas, bien évidemment, parce que les gens ne s’arrêtent pas qu’ils sont incultes ou insensibles à la musique de Joshua Bell. Au delà de tout jugement de valeur, dans ces couloirs de métro s’expriment à travers le comportement des passants, des façons variées de recevoir et des sens différents conférés à cette prestation musicale dans un environnement bien particulier.
Rappelons que de façon générale, parmi les éléments influençant ce que l’on appelle la réception du message (la musique jouée par le violoniste doit être ici considérée comme un message), figurent :
- Les conditions liées à la transmission du message : conditions matérielles : le contexte (choisi, inattendu ou inconnu), les conditions climatiques et environnementales (foule, chaleur, bruits, lumière etc.)
- Le langage utilisé (langage technique, des tics de langage, la structure de la pensée) ;
- La disponibilité du récepteur ;
- Le cadre de référence personnel (l’éducation, l’environnement familial, la culture d’appartenance, le milieu social, les connaissances, les idées, les goûts, les expériences professionnelles et personnelles) qui viennent influencer notre comportement.
Source : www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/04/04/AR2007040401721.html
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